Wyclef Jean tourné vers l’avant

Publié le 30 Janvier 2017

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Après une pause musicale de plusieurs années pour tâter le terrain politique, Wyclef Jean effectue un retour en force avec un nouvel EP, J’ouvert, et un troisième album de sa série Carnival, qui verra le jour cet été.

Lorsqu’on serre la main d’un Wyclef Jean pensif dans la suite d’un hôtel du Vieux-Port de Montréal, la veille de l’investiture du président Trump, le musicien et producteur américain d’origine haïtienne met un terme à une semaine médiatique fort chargée.

Il y a d’abord ce tweet (effacé depuis) qui a suscité une vague d’indignation lors de la journée Martin Luther King, dans lequel Jean affirmait que «Martin Luther King Jr. s’est battu parce que toutes les vies comptent (“all lives matter”)», que plusieurs ont vu comme un affront au mouvement Black Lives Matter. Ensuite, il y a eu l’immense succès viral du vidéoclip d’une chanson affectueusement intitulée Wyclef Jean de son pote rappeur Young Thug, que Wyclef décrit comme un «génie chaotique (“chaotic genius”) qui me connaît mieux que je me connais moi-même, si tu vois ce que je veux dire».

Mais si on a rendez-vous avec ce membre fondateur des Fugees, c’est plutôt parce que l’ambassadeur de bonne volonté d’Haïti s’apprête à lancer son premier album en sept ans. Il prépare le terrain pour son Carnival III: Road To Clefication, qui verra le jour cet été, avec le EP J’Ouvert, nom de la grande fête de rue aux accents calypso, soca et reggae qui donne le coup d’envoi des carnavals caribéens, ainsi que de la parade West Indian Day de Brooklyn, à laquelle Wyclef assiste depuis longtemps.

Il nous parle de son absence prolongée des studios d’enregistrement comme de «son moment John Lennon. «Lorsque Lennon s’est retiré du monde musical, il a toujours continué à créer, explique le rappeur de 47 ans. Tu n’arrêtes jamais de créer. Mais il y a une cause qui a pris le dessus pendant ce temps-là.»

«En tant qu’artiste à Hollywood, s’il y a quelque chose que tu n’aimes pas, tu peux le changer. Pour la simple raison que t’es une vedette. J’aimerais voir plus de gens se mobiliser.» –Wyclef Jean, citant Angelina Jolie et George Clooney comme exemples de stars citoyennes qui n’hésitent pas à passer à l’action

Autant en personne que sur J’Ouvert, le vétéran fait allusion à sa candidature rejetée aux présidentielles d’Haïti de 2010, puisqu’il ne remplissait pas la «condition» d’avoir vécu au pays pendant cinq années consécutives avant de se présenter comme candidat. «J’avais un passeport diplomatique, donc j’étais éligible, se défend l’artiste natif de la commune de Croix-des-Bouquets. D’ici quelques années, je vais publier mon prochain livre, qui s’intitulera If I Was President (Si j’étais président), et dans lequel je vais raconter toutes les choses auxquelles je me serais attaqué en Haïti, comme le taux d’analphabétisme de 80% de la population. La seule vraie révolution pour cet endroit, c’est une révolution intellectuelle.»

 

 

 

 

Le EP J’Ouvert comprend d’ailleurs la chanson If I Was President, avec son refrain qui laisse peu de place à l’ambiguïté : «Si j’étais président, je serais élu le vendredi, assassiné le samedi, enterré le dimanche.» Bien sûr, ce titre pourrait tout autant être inspiré du climat de discorde qui perdure dans son pays d’accueil, lui qui a quitté la perle des Antilles à l’âge de 10 ans avec sa famille pour atterrir aux États-Unis.

Jean, qui a déjà fait une brève apparition à l’émission de télé-réalité The Apprentice, pilotée par l’actuel président américain Donald Trump, a toujours fièrement revendiqué son identité de réfugié (le mot «Fugees» en est d’ailleurs l’exemple le plus probant). Ce résident permanent aux États-Unis a maintes fois répété que notre voisin du sud était une nation de réfugiés et d’immigrants. Je n’ai donc pu m’empêcher de lui demander ce qui lui passait par la tête, un jour avant l’entrée en fonction d’un homme s’étant fermement rangé dans le camp anti-immigration… «Il a dit qu’il serait le président de tous les Américains, et je crois que c’est important de le souligner, a-t-il précisé avec retenue. Je dirais aussi que les mots ont un pouvoir. Je dois tout mon succès à mes parents, qui ont pris un gros risque en immigrant aux États-Unis. Et au final, il ne faut pas oublier que nous sommes tous des descendants d’immigrants.»

 

 

 

 

J’ouvert
Disponible dès vendredi

Rédigé par Régis Baillargeon

Publié dans #Album CD

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